Pascal Meier, Au vainqueur, je donnerai à manger de l'arbre de vie, folio 7b
tempera, or en feuille et eau de noyer sur papier blanc narcisse vélin Richard de Bas,
format : 240 x 300 mm (droits réservés).
« Au vainqueur, je donnerai à manger de l'arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu. » (Ap 2, 7), folio 7b
« Au vainqueur, je donnerai... » ce qui convient de lui donner. Le Christ donne, il fait don de la vie comme il a donné sa vie sur la Croix pour tous les hommes. Dans cette miniature en lien avec la première lettre adressée à l'ange de l’Eglise d'Ephèse, le Christ donne au vainqueur le fruit de l'arbre de vie. Il ne s'agit plus du fruit défendu du paradis, mais bien celui de la vie où la mort ne sera plus. Cet arbre de vie se trouve être dans le paradis de Dieu ; ce qui revient à dire que le vainqueur retourne auprès du Père, à l'origine. Cette promesse d'un bien des origines fait écho à l'injonction du Christ de retrouver l'ardeur des commencements auprès de l'ange de l'Eglise qui est à Ephèse : « Mais j'ai contre toi que ta ferveur première, tu l'as abandonnée. Souviens-toi donc d'où tu es tombé : repens-toi et accomplis les oeuvres d'autrefois. » (Ap 2, 4-5)
Un chrétien peut très bien participer avec une grande régularité aux cultes et aux réunions de son église tout en ayant quelque peu perdu de vue son premier AMOUR pour le Seigneur, ce qu'il a poussé dans sa vie à être en présence de Dieu, à cette RENCONTRE qu'il a orienté dans ses choix de vie non seulement pour lui-même, mais aussi en lien avec les autres, chrétiens ou non. Aussi, fait-on les choses par devoir ou par AMOUR ? Si nous voulons demeurer des vivants, il nous est demandé de garder cette conscience de commençants, il nous est demandé de revenir sans cesse à la clarté de nos commencements. Afin de ne pas perdre sa lumière signifiée par un « chandelier d’or » (cf. Ap 2, 5), il est demandé à cette Eglise de se souvenir de ses débuts, de sa vivacité à vivre bien et à faire le bien tout en résistant au mal, autrement dit de « ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas » (Ap 2, 2), à ces menteurs, et des « œuvres des Nicolaïtes » (Ap 2, 6) qui désignent ceux qui sont des prétentieux et des querelleurs. Au vainqueur de cet ESPRIT DE prétention et de querelles, il est donné de pouvoir goûter du fruit de « l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu. » Par ailleurs, avoir à nouveau accès au paradis était une espérance que l'on retrouve dans les écrits juifs de la période du second Temple. Et l'arbre, dont on parle, se trouvait lui aussi dans ce paradis où Adam et Eve avaient pris du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. N'est-il pas mentionné dans la Genèse (3, 22) : « L'Eternel Dieu dit : « Voici que l'homme est devenu comme l'un de nous pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant il faut l'empêcher d'avancer sa main, de prendre encore du fruit de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement. » Puis plus loin : « Après avoir chassé l'homme, Il plaça à l'orient du jardin d'Eden les chérubins armés d'un glaive à lame flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie. » (Gn 3 , 24)
Dieu ne voulait-il pas épargner l'homme de s'établir éternellement dans le péché, d’entrer en rivalité et en refus de Dieu, en empêchant sa main de prendre du fruit de l'arbre de vie ? Et le vainqueur dont on parle, n'est-il pas celui qui renie par le combat spirituel le péché, le diable et son empire, et dont l'amour pour Celui qui s'est fait homme persévère jusqu'à la fin, malgré ses faiblesses et ses fragilités ?
Pour le bienheureux vainqueur, il s'agit de manger de l'arbre de vie que tend le Christ par un fruit rond et doré sur cette miniature. Cela peut nous rappeler les fameuses « pommes d'or du jardin des Hespérides » 1). En mangeant de ce fruit, le vainqueur ingère, on pourrait même dire qu'il « incorpore » la vie. En mangeant de ce fruit, le vainqueur est guérit du péché par le pardon tout de miséricorde de Dieu où l’arbre de vie révèle le pouvoir purificateur et sanctificateur de la grâce divine. De quel fruit s'agit-il exactement ? Nul ne le sait ! Ni rouge, ni vert, ni jaune, ni orange, ni violet ou encore brun, le fruit que le Christ tend au vainqueur est tout de lumière, semblable aux auréoles des saints. C'est la Vie qui est remise en cadeau.
Lors de l'Eucharistie, l'hostie (hostia : victime) que prend le croyant est pareillement rond, mais non dorée ; et pourtant, c'est la vie éternelle qui est offerte au creuset des mains du pécheur, c'est le Corps du Christ mort et ressuscité pour nous qui se donne à chaque célébration. Quel don plus précieux, si ce n'est celui de la vie ? Le vainqueur est parfaitement conscient de cela. C'est pourquoi il tend ses deux mains, de sorte qu'il prend aussi bien par le haut que par le bas ce fruit plus que précieux à ses yeux, car ce n'est pas seulement la vie qu'il va prendre, mais la vie en Christ pour des siècles et des siècles, une vie de communion d'amour pour toujours. Il est tellement conscient de cela, qu'il incline sa tête en signe d'humilité et de reconnaissance auprès du Christ qui le fixe avec assistance comme pour lui montrer son intérêt à celui qui a vaincu le mal et la mort tout comme lui.
Le Christ prend bien soin de lui montrer la provenance du fruit qui lui tend en indiquant un arbre majestueux dépassant le cadre de la miniature. Avec une main pleinement ouverte qui ne retient aucunement le fruit donné, le Christ entre en relation avec le vainqueur. Par ce seul geste, le Christ désire partager cette vie. Vie du Ressuscité qui revêt l'habit blanc plus éclatant que le soleil. Le Christ et le vainqueur se trouvent sur un même plan, l'un n'est pas plus grand que l'autre, car l'amour qui les relie n'a pas besoin de se distinguer par une différence de taille.
Comme un soleil orange qui semble l'illuminer de l'intérieur, l'arbre de vie contient des fruits à profusion ; et la luxuriance végétale donnée par son feuillage indique sa vivacité. Présent dans la Jérusalem nouvelle (cf. Ap 22, 2), l'arbre de vie se trouve au milieu de la place de la cité du salut et produit douze récoltes en donnant chaque mois son fruit, signe du renouvellement cyclique, qui là, ne s'arrête jamais.
Alors que l'arbre de la connaissance du bien et du mal a servi par son feuillage à cacher la nudité du premier homme, le feuillage de l'arbre de vie sert à la guérison des nations. Alors que l'arbre de la connaissance du bien et du mal a été l'instrument de la chute du premier homme, l'arbre de vie sera celui de sa victoire en devant passer par celui de la Croix, instrument de supplice et de rédemption, autrement dit du passage par la mort vers la vie. Le Christ a donné, donne et donnera au vainqueur, à celui qui le désire avec ferveur, cette vie éternelle qui est déjà donnée à l'Eucharistie.